Tsunami du 26 Décembre 2004 en Asie


Une fois n'est pas coutume, nous avions décidé de passer les vacances de Noël 2004 au chaud, sous les palmiers. Nous avions un peu voyagé ces dernières années, et c'est vrai que notre dernier séjour aux Maldives en 2000, nous avait laissé l'envie d'y retourner.

Nous voila donc partis pour un séjour de rêve avec nos 3 enfants (dépaysement garanti !, nous avait dit le voyagiste, et il ne pensait pas si bien dire).

 

Les Maldives sont un ensemble de 26 atolls qui s'étendent entre le tropique du Cancer et l'équateur, au sud de l'Inde. C'est la plus grande et la plus imposante formation corallienne du monde. Plus de 1200 îles la composent, mais seulement 200 îles sont habitées. Et près de 90 de ces îles sont des îles-hôtels : 1 île = 1 hôtel. Rien de comparable donc avec l'entassement des hôtels aux Caraïbes, aux Antilles ou en Polynésie. Surtout que la plupart de ces îles-hôtels ne comptent qu'une centaine de chambres, réparties en beach bungalows et/ou en water bungalows. Autre particularité de ces îles qui en fait un véritable paradis, c'est leur lagon. Gigantesque aquarium naturel, le lagon entoure chacune de ces îles avec une eau turquoise et claire, et donne naissance en son centre à un banc de sable d'une blancheur éblouissante où pousse une végétation luxuriante.

Fun-Island (la bien nommée) était notre île pour ce séjour de Noël (ci-contre). Située dans l'atoll de Malé sud à une petite heure de l'aéroport en bateau rapide. Fun-Island est réputée pour la qualité de son lagon, pour sa faune sous-marine et pour ses tombants, mais est réputée également pour la qualité de son hôtellerie.

 

Nous avons passé un séjour exceptionnel sur Fun-Island. Nous avons plongé avec des millions de poissons, avec des tortues, avec des raies, avec des (petits) requins et avec des dauphins. Je crois bien que ce dernier séjour aux Maldives était encore plus beau que le précédent. L'eau claire à 30°, le soleil, le sable si fin et si blanc qu'il en est éblouissant. Et les dîners tous les soirs sur la plage aux chandelles. Le paradis...

Alors que nous devions rentrer en France le lundi 27 Décembre au soir, nous avions décidé de vivre intensément le dimanche 26 Décembre, dernier jour de nos vacances.

Tout d'abord, le matin, nous avons été réveillés par un séisme. Il était environ 6H30. Les tremblements ont duré pratiquement 1 minute, mais leur intensité était faible et nous nous sommes rendormis, sans être davantage inquiétés. Puis, lors du petit-déjeuner au restaurant, c'était le sujet de discussion avec d'autres vacanciers. Certains d'ailleurs n'avaient pas ressenti le séisme. Nous occupions 2 chambres dans un bungalow (photos ci-dessus) et nous sommes repartis dans nos chambres vers 9H15 après le petit-déjeuner, afin de nous préparer à plonger. J'étais dans une chambre avec ma fille Cyrielle (15 ans) et avec mon fils Raphaël (7 ans). Nous avions refermé la porte pour garder la fraîcheur de la climatisation. Ma femme était dans l'autre chambre avec notre fille cadette Charlène. Nos chambres étaient à environ 100 m de la plage, et le lagon avait environ 600 m de largeur avant la barrière de corail et la mer.

Soudain, regardant l'horizon à travers la baie vitrée... la stupeur. Un mur d'eau gigantesque occultait l'horizon. Nous avions compris. C'était le raz-de-marée qui suivait le séisme du matin. J'ai juste eu le temps d'hurler le prénom de ma femme qui était dans l'autre chambre. L'eau est arrivée à une vitesse incroyable, percutant la baie vitrée. Puis, pétrifiés, nous regardions l'eau monter à travers la baie vitrée. Est-ce que cette baie va résister ? Je me suis posé cette question, mais un fragment de seconde après, c'était trop tard. Au 3/4 remplie, la baie vitrée a cédé et l'eau s'est engouffrée et nous a plaqué violemment tous les 3 dans le fond de la chambre. Cyrielle avait eu le réflexe d'attraper son frère avant que la vitre n'explose. L'eau a continué à monter, à monter. Comme dans un mauvais film, je voyais le niveau de l'eau se rapprocher du plafond. Les meubles flottaient en désordre dans la chambre. On sentait les bouts de verre mélangés à l'eau. Le bruit était assourdissant. Des hurlements venaient de l'extérieur, et l'on voyait 2 touristes japonaises emportées par les flots, essayant vainement de s'accrocher. A mon tour, j'ai attrapé mon fils de 7 ans pour lui garder la tête hors de l'eau. Nous étions prisonniers dans la chambre et nous n'avions plus pied. Je n'avais qu'une obsession, c'était de mettre mon fils à l'abri sur l'étagère au dessus de la penderie. Puis, la porte de service au fond de la chambre finit par céder sous la pression de l'eau. J'avais pourtant essayé d'ouvrir cette porte, mais il y avait autant d'eau derrière. Cette porte ayant cédé, le niveau de l'eau a pu redescendre. L'onde du raz-de-marée avait poursuivi son chemin au large. Ouf, nous étions tous les 3 vivants. Cyrielle se plaignait du bras. Combien de temps avons-nous été prisonniers de l'eau ? Impossible de le dire. Les minutes nous ont paru interminables. Je suis ensuite sorti dehors. L'île était encore sous l'eau, et j'avais de l'eau jusqu'aux épaules. J'ai tambouriné à la porte de l'autre chambre, et soulagement, ma femme et ma fille cadette étaient également saines et sauves. La baie vitrée de l'autre chambre n'avait pas cédé. Dehors, c'était un spectacle de désolation. Le raz-de-marée avait tout emporté avec lui et avait vidé les bungalows : les matelas, les chaises, les valises, les vêtements... tout était éparpillé sur l'île et flottait dans le lagon. Nous avons même retrouvé des lits de plage en bois sur les toits des bungalows. Un bungalow, non loin du notre, s'était déplacé sous la force de l'eau.
Le personnel de l'hôtel a ensuite fait le tour des chambres à la recherche des vacanciers. Nous avons été rassemblés ensuite dans la réception de l'île où tout était dévasté. L'extrémité sud de l'île où nous avions notre bungalow, avait davantage souffert. On comptait les blessés par dizaines. Beaucoup de personnes avaient des coupures aux pieds à cause du verre, qu'il était impossible de voir dans l'eau. Impossible de se chausser non plus. La plupart des chaussures avait été emportée par l'eau. Un brancard de fortune était improvisé avec 2 tables du restaurant, pour allonger 1 des 2 touristes japonaises que nous avions vu et qui avait la jambe sectionnée. On improvisait des garrots en déchirant des nappes. Il n'y avait pas de panique, car tout le monde était sous le choc. Comme désemparé. Puis soudain, l'horreur. Un brancard de fortune évacue une personne recouverte d'un drap. Le raz-de-marée venait de tuer 1 personne sur notre petite île. Notre fille Cyrielle se plaignait toujours de son poignet. Impossible de savoir s'il y avait une fracture, mais la douleur semblait importante.

Nous étions coupés du reste du monde. Plus d'électricité. Plus de téléphone. Pas d'information. Que c'était-il passé ? Où avait eu lieu ce séisme ? Ici, aux Maldives ? Mais pourquoi n'a-t-on pas été prévenu du risque de tsunami ? Et puis, à nouveau des cris. La panique commençait à s'emparer des gens qui étaient rassemblés : le lagon venait de se vider et les coraux sortaient à l'air, et au loin la mer qui gonflait. Aucun doute. Nous allions revivre le même raz-de-marée. L'eau arriva vite, tout le monde essaya de prendre de la hauteur, de monter sur les toits. Nous étions à nouveau submergés par l'eau, mais fort heureusement l'amplitude était plus faible. Tout le monde scrutait sans cesse l'horizon, dans la crainte d'un nouveau retour de raz-de-marée. Vers 12H, et contre l'avis du personnel de l'hôtel, nous décidions de retourner à nos chambres pour y rassembler nos affaires. Du moins, ce que nous pouvions y retrouver. Par bonheur, nous avions laissé nos papiers dans la chambre qui n'avait pas été détruite. Nos passeports et billets d'avion étaient au sec. Par contre, nous avons perdu beaucoup d'affaires : vêtements, caméscope, appareils photo et équipements de plongée ont été emportés par les flots. Nous avons improvisé rapidement nos valises (il en manquait 1, probablement emportée elle aussi), avec des vêtements gorgés d'eau et de sable. Les valises étaient terriblement lourdes et nous les traînions péniblement. Et puis, de retour à l'accueil de l'hôtel, nous sommes tombés par hasard sur la peluche de notre fils, qui avait été emportée par les flots. Quel bonheur pour notre petit garçon, qui ne comprenait pas ce qu'il venait de vivre, de retrouver son "doudou".

Vers 14H, le personnel de l'hôtel qui avait pu communiquer avec des bateaux au large, commença l'évacuation. Cette évacuation se préparait dans un certain désordre. Quelques vacanciers italiens s'étaient sauvagement emparés des gilets de sauvetage, sans se soucier des autres vacanciers et sans penser aux enfants qui en avaient davantage besoin. L'évacuation commença par les familles avec des blessés et des jeunes enfants. Nous étions dans les 2 cas, et avons donc été évacués parmi les premiers. Le ponton avait été sérieusement endommagé par le raz-de-marée, ce qui compliqua l'évacuation. Nous avancions sur la pointe des pieds les uns derrière les autres. J'étais derrière ma fille Charlène, lorsque le ponton s'effondra sous ses pieds. Heureusement, l'eau n'était pas profonde à cet endroit et nous avons pu poursuivre jusqu'au bateau. L'eau du lagon était laiteuse et les tombants avaient disparus (!) sous le sable que le raz-de-marée avait charrié. Le voyage en bateau a ensuite duré plus de 2 heures. Nous avons été évacués sur l'île Holiday-Island, sur l'atoll d'Ari sur le côté ouest des Maldives, île qui avait été épargnée. La mer était recouverte de détritus flottants. C'était inimaginable. C'est en arrivant sur Holiday-Island, en allumant la télé dans la chambre, que nous avons enfin compris ce qui nous était arrivé. C'était aussi le moment de rassurer nos familles par téléphone, restées sans nouvelles.
Nos valises avaient voyagé séparément et elles sont arrivées en fin de journée sur Holiday-Island. Le personnel de Fun-Island avait ramassé toutes les affaires qu'ils avaient trouvé sur l'île et ils avaient fait des sacs, parfois avec le numéro des chambres. C'est ainsi que nous avons pu retrouver quelques affaires.

La réception de Holiday-Island nous avait annoncé que l'aéroport avait également été dévasté par le raz-de-marée, et qu'il ne fallait pas compter sur une réouverture avant 48H. Après un rapide dîner, sans appétit, nous sommes retournés dans nos chambres et nous nous sommes efforcés de rincer le linge souillé et de le faire sécher. Epuisé après cette épreuve, je me suis allongé devant la télé et je zappais, à la recherche des dernières informations sur ce tragique séisme. Nos chambres étaient trop proches de la plage et le bruit des vagues m'empêchait de dormir et me rappelait trop le bruit du raz-de-marée. Vers 2H du matin, la réception de l'hôtel nous appelle, pour nous dire que la piste de l'aéroport venait finalement d'être rouverte. Nous avons pris notre petit-déjeuner à 3H du matin avec beaucoup d'entrain. Nous n'avions qu'une seule envie : quitter les Maldives ! Après 3H de bateau, et un détour sur l'île Sun-Island pour récupérer d'autres rescapés de Fun-Island (il n'y avait pas assez de place sur Holiday-Island), nous sommes arrivés à l'aéroport de Malé, la capitale des Maldives. Les autorités et les insulaires avaient fourni un travail remarquable de nettoyage, et l'aéroport ne portait pratiquement plus les traces du raz-de-marée. Notre avion, qui devait décoller normalement vers 9H, a finalement quitté les Maldives vers 17H : 10 heures d'une interminable attente. L'avion venait de Paris et avait voyagé à vide avec des médecins du SAMU. L'embarquement s'est également effectué dans le désordre car certains vacanciers français venant d'îles épargnées par le raz-de-marée ne comprenaient pas toute cette attente et n'ont pas fait preuve de beaucoup de civisme.
Lorsque l'avion décolla, nous étions presque soulagés. Mais quel traumatisme : c'est en arrivant à Paris à 23H, que nous avons été totalement rassurés. Nous étions partis d'Orly, et nous sommes arrivés à Roissy. Nous sommes arrivés par le premier vol sanitaire. Nous avons été pris en charge par la cellule de crise mise en place par les autorités. SAMU, Croix-Rouge et voyagistes ont été remarquables à notre arrivée. Nous avons eu droit à des vêtements chauds. Nos enfants ont été pris en charge par des pédopsychiatres, et Cyrielle a enfin pu recevoir les premiers soins pour son poignet cassé. Nous sommes ensuite allés à Orly où notre voyagiste Nouvelles Frontières avait réservé 2 chambres à l'hôtel pour nous éviter de reprendre la route... après 48H sans sommeil.

Le retour à la maison nous a paru vraiment bon, et en plus, comme c'était Noël, nos enfants ont trouvé plein de cadeaux au pied du sapin... C'était un moyen de penser enfin à autre chose.

Et le Père Noël avait déposé plein de journalistes aussi... Les autorités aéroportuaires de Roissy ont dû probablement prévenir la préfecture de notre domicile, et certains journalistes de la presse locale ont dû avoir l'information. Cette mésaventure nous a valu quelques couvertures de journaux...

 

 

 

 

En définitive, les grands médias ont assez peu parlé des Maldives, qui ont pourtant beaucoup souffert du tsumani. Certes, cette région est 100 ou 200 fois moins peuplée que le Sri Lanka. Mais l'absence d'altitude sur les îles (1 à 2 m d'altitude maximum !), ne permettait pas à la population de se réfugier, et les victimes ont été proportionnellement nombreuses, et les dégâts aussi.

 

Françoise et Alain OCTAU